Le sens de nos blessures intérieures
La blessure est divine en ce sens que quand on y entre, quand on la vit elle nous permet d’atteindre notre âme, notre cœur et notre partie divine. Elle représente la porte d’entrée à un parcours initiatique souvent long, sinueux, gorgés d’obstacles.
Le mot blessure regroupe principalement les vécus enkystés dans notre mémoire cellulaires nous parlant d’impression d’abandon, de rejet, de solitude, de trahison, d’humiliation, d’injustice. Ces blessures à un niveau plus large parlent également de notre lien à la vie, à soi et à l’autre, (fusion, protection, distance) du terrain sur lequel nous nous sommes construits (culpabilité, critique, jugement, honte, peur) et plus largement de l’acceptation de nos parents.
La première rencontre est intellectuelle : nous les appréhendons par le biais de la connaissance, du savoir, de la compréhension. Puis vient le passage émotionnel au travers duquel nous allons les ressentir : la rage d’abord, l’enfant, les émotions. Cette intégration émotionnelle nous permet d’aller à la fois ressentir les besoins et les manques profonds, ainsi que les ressources à disposition à la fois pour prendre soin de ses manques, de ses carences et devenir sa propre mère et son propre père. Cet auto parentage permet de se reconnecter à soi et de se prendre en charge. Le lien entre nos parties permet l’unité de la personnalité et la connexion intérieure.
De cet axe, nous pourrons les contacter de manière plus profonde et à la fois plus supra, presque en le vivant dans nos cellules, à l’amplitude à laquelle nous les avons sûrement expérimentées en tant qu’enfant, pour nous rappeler l’état d’un enfant sans protection. Dans cette étape, il nous faut « simplement » les accueillir en nous, honorer cet enfant qui a été mordu par cette douleur, le plus souvent dans la solitude, sans personne pour lui tendre la main et accueillir sans juger, sans minimiser, sans relativiser l’étendue de l’incompréhension et de la souffrance. La douleur peut être vive, l’impression de solitude puissant et l’insécurité liée à la guérison et à la transformation diffuse et intolérable.
Un sentiment d’abandon nourrit cet état de mutation, sentiment intimement lié au nettoyage, au terrain épuré et soudain vide de ce que je connaissais et auquel je m’étais identifié, pour que la nouvelle semence puisse prendre et fleurir. Ce sentiment de vide, de perte de repères est inhérent à la transformation, à la transmutation même de l’être.
Cette croissance intérieure au travers de nos blessures originales et originelles nous permet de développer des ressources peut usitées, les ressources du cœur, les ressources de l’âme. La patience, la sagesse, la tendresse, la compassion, le courage, la persévérance, l’ouverture, l’abandon. Le nettoyage cellulaire de nos blessures est déroutant : tout d’abord il nous semble revisiter pour la nième fois un scénario trop bien connu duquel nous pensions être sorti, puis la morsure de la douleur, la tristesse qui accompagne ce passage si intense que notre mental tente désespérément de reprendre le pouvoir et de contrôler l’étendue du processus.
Une grande tristesse accompagne ce passage, le deuil est de taille. Beaucoup de pleurs incongrus, sans explication, ni attente apparaissent, par les pleurs le nettoyage se fait et les transformations s’intègrent.
Les pleurs libèrent l’espace nécessaire au nouvel ensemencement. Comme il est difficile d’accueillir ces larmes sacrées sans les juger, sans s’excuser de les avoir, sans raisons, sans craindre d’être dans une phase de dépression ?
Comme il est difficile de comprendre que les blessures installées dans nos cellules depuis si longtemps, indépendamment d’avoir pu être utilisées pour aller répondre aux manques et construire notre édifice intérieur autrement ont besoin de s’extraire, de se vider de leur empreinte, de se nettoyer ?
La peur et l’insécurité font partie du parcours : peur du vide, de l’inconnu, de ce que ce corps vit, exprime et qui me dépasse, de ces points de repères qui me paraissent obsolètes sans pour autant en connaître ou plutôt en avoir intégrés d’autres, prêts à l’emploi.
Un sentiment de perte de protection, de solitude, d’abandon : état de l’enfant blessé qui porte seul ses souffrances.
Pour un enfant ce n’est pas tant les blessures qui sont douloureuses que la solitude dans laquelle elles peuvent être vécues s’il ne peut pas en parler, si les adultes présents nient, minimisent, jugent, occultent, culpabilisent, interdisent l’expression de ce qui a été. (La blessure est une chose, l’accompagnement en est une autre)
La rage est également présente : rage différente de cette de l’enfant blessé qui en veut à ses parents de ne pas avoir su, pu, faire. C’est une rage plus diffuse, plus profonde, plus existentielle, comme une rage d’ensemble de tout ce qui a été : une fois que je suis sortie de mes liens de fidélités inconscients, de mes liens de culpabilité, de protection , de peur, de honte et que riche de plus d’amour pour moi-même je change de perspective, je me vois également dans ma souffrance, ma solitude, combien l’autre n’est pas venu dans mon sens et surtout à quel point, en échange de protection, d’amour, de considération, de reconnaissance, je me suis abandonnée, trahie, humiliée…ce sursaut de rage permet de dire stop, mélange d’impuissance et d’affirmation, elle recentre et nous permet de toucher un socle en soi, une limite intérieure qui inscrira à jamais le « plus jamais ».
C’est une main qui repousse, qui soudain prend conscience d’une pierre précieuse, d’un bijou, d’un espace sacré qui mérite douceur, amour et d’être préservé. Une conscience que cet espace mérite d’être défendu. Alors apparaît une danse entre l’enfant et la femme, la peur et la confiance, la dépendance et la liberté, l’impression de subir et le choix de maîtriser, une oscillation subtile et à la fois musclée entre deux types d’énergies.
La passerelle permettant la réconciliation : se faire confiance ou plus précisément, que l’enfant fasse confiance à l’adulte tant en tant que mère intérieure dans l’idée du prendre soin que dans le père intérieur dans le savoir et pouvoir décider et choisir en toute conscience.
Cette confiance nouvellement acquise d’une partie vers l’autre surtout dans la direction à prendre (père intérieur) permet de reprendre sa pleine puissance d’être et de ne plus à travers nos liens de loyauté donner le pouvoir à l’autre de dire qui je suis, ce que je dois et surtout si mes choix sont justes sans craindre de perdre son amour et sa protection puisque à ce stade je me nourris de ces ressources.
Contacter nos blessures est une opportunité à se rencontrer aussi dans sa part de lumière, de guérison, de se transformer. La guérison veut dire une transformation de ma capacité à vivre et à réagir face à des situations.
Le bien-être n’est pas un état permanent ou je suis dans une constance émotionnelle, mais une dynamique, un état de sagesse et d’amour qui me permet de m’accueillir et de me vivre autrement dans les situations que la vie me présente. La guérison passe par l’ouverture du cœur.
La blessure est une grâce : une opportunité à rentrer en soi, à se comprendre, à comprendre l’humanité. Elle est un miroir de la connaissance et de l’empreinte de l’humanité. Aller en son sein, permet de l’accueillir, de la vivre en conscience, de la transformer pour la guérir de son empreinte. Elle permet un chemin vers l’accueil de soi, de l’autre et du pardon. Elle permet encore pour ceux qui poursuivent le chemin de s’ouvrir au divin, à notre être illimité jusqu’à la gratitude d’avoir pu vivre ce chemin tant le bonheur est grand de se vivre dans la mutation intérieure.
Contacter le divin en soi au travers de la blessure signifie simplement pouvoir basculer dans l’amour, dans l’accueil de soi, le don et l’abandon, l’amour inconditionnel, l’ouverture à la vie dans une toute autre perception. Guérir veut dire transformer en prenant en amont la responsabilité de ce que nous portons et par cette acceptation tacite et à la fois profond toucher consciemment aux ressources les plus profondes de notre âme.
Guérir veut dire se réconcilier, intégrer l’amour du père et de la mère en soi. Guérir veut dire se vivre en acceptant son humanité et celle de l’autre pour se pardonner ce que nous n’avons pu sans conscience, mais en prendre la responsabilité et faire un autre choix. Guérir veut dire voir davantage à quoi les situations de la vie me confrontent et choisir de me vivre dans l’amour de moi. Guérir nos blessures veut dire créer un espace à l’intérieur, un nouvel espace à remplir d’autres choses que le connu, un espace sacré dont nous sommes le gardien, cet espace contient la vie et l’amour, l’essence de l’être en soi.
La rencontre avec nos blessures nous permet un parcours initiatique à travers les méandres de l’être, les labyrinthes, les luttes, les résistances, l’impuissance, les prisons pour finalement reprendre un peu d’espace et nourrir d’essentiel. Ce chemin se nettoie, se purifie, se clarifie et soudain la lumière peut circuler, la liberté aussi.la rencontre intérieure peut se faire, la réconciliation et l’amour. Quand je subis mes blessures, je me vis dans la survie, c’est lourd, contrainte, impression d’être réduit, limité or, dès que la réconciliation intérieure s’opère je prends conscience de l’essence de la vie, du vivant, du léger.
La blessure constitue le pont entre notre personnalité et notre part divine. Par l’empreinte de la blessure il nous est donné la possibilité de prendre soin de notre personnalité, de la faire grandir, mûrir au sens de la responsabilité et de la sagesse intérieure et d’accéder à notre partie divine en parcourant le chemin de l’accueil, de l’amour et de l’acceptation. La guérison passe par la libération émotionnelle et le lien à soi. On guérit de nos blessures plus facilement que de nos résistances, de nos luttes, de nos fuites.